khamenei is a review of Ayatollah Ali Kahmenei’s 31-year record as a Supreme Leader of the Islamic Republic of Iran.

L'Iran a accueilli le c├®l├¿bre concours de caricatures sur l'Holocauste.

La semaine de Khamenei : liberté d’expression et négation de l’Holocauste

Mardi 3 novembre 2020

Au cœur de la capitale allemande, Berlin, se trouve un monument de 19.000 m², recouvert de quelques 2.711 dalles de béton. Le Mémorial aux Juifs d’Europe assassinés, mieux connu sous le nom de Mémorial de l’Holocauste, est l’un des nombreux lieux de mémoire du pays qui rend hommage aux six millions de Juifs et d’innombrables autres personnes exécutées par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale.

Le mémorial documente également la « solution finale », période au cours de laquelle Adolf Hitler et ses proches partisans complotèrent pour l’élimination des Juifs de la surface de la terre, espérant qu’aucun ne survivrait pour témoigner de leurs actes. Mais beaucoup ont survécu et raconté au monde leur histoire.

L’Allemagne a reconnu sa responsabilité pour ces crimes contre l’humanité. Le Mémorial de l’Holocauste témoigne des tentatives du pays d’expier les actions de ses anciens dirigeants et de sauvegarder la mémoire collective de leurs victimes. Et pourtant, Ali Khamenei, Guide suprême de la République islamique, et ses partisans ont constamment et énergiquement tenté de qualifier  les atrocités de l’Holocauste de « mythe ».

La dernière tentative en date date de fin octobre lorsque, en réponse à la décapitation de l’enseignant français, Samuel Paty, par un extrémiste musulman parcequ’il avait montré en classe des caricatures du prophète Mahomet. Khamenei a saisi l’occasion non seulement pour remettre en cause le principe de la liberté d’expression, mais aussi pour remettre en cause la véracité de l’Holocauste. Comment, a-t-il demandé, la France peut-elle défendre la liberté d’expression alors qu’elle considère la négation de l’Holocauste comme une infraction pénale ?

Lors de cette discours, Khamenei n’a pas condamné la décapitation du professeur d’histoire, Samuel Paty. Au cours des 30 dernières années, la censure, la restriction de la liberté d’expression se sont de plus en plus accentuées, comme un nœud coulant autour du cou de l’Iran. Quiconque dessine des caricatures du Guide suprême, du prophète, des imams et d’autres personnages chiites risque la prison mais aussi une condamnation à mort.

En 1831, le dessinateur Honoré Daumier fut la première personne emprisonnée pour satire visuelle, après avoir représenté le visage du roi français Louis-Philippe sous la forme d’une poire. Les Français ont depuis parcouru un long chemin. Mais tragiquement, depuis l’arrivée de Khamenei au pouvoir, l’Iran ne cesse d’aller à reculons.

***

Après le meurtre de Samuel Paty, le président français Emmanuel Macron a rendu hommage à ce professeur d’histoire, qualifié de « héros tranquille » et de « visage de la République », qui avait fait la promotion de la liberté d’expression en classe. Lors d’un discours d’hommage national, retransmis à la télévision le 21 octobre, Macron a répété que la France « n’abandonnera pas nos caricatures ». Paty a été enterré après avoir été décoré à titre posthume de la plus haute distinction française, la Légion d’honneur.

Dans la lignée de nombreuses organisations islamistes du monde entier, les hauts responsables iraniens et les pasdaran ont profité de cette occasion pour diffuser leur point de vue. Le ministre des Affaires étrangères Javad Zarif a accusé le président francais d’alimenter le fondamentalisme religieux, tandis que les journaux iraniens contrôlés par l’État ont subtilement comparé le président Macron au diable lui-même.

Peu enclin à rester en retrait, le Guide suprême Ali Khamenei a aussi adressé un message à « la jeunesse française »  dans lequel il explique que prendre la défense des caricatures de Charlie Hebdo comme l’a fait Emmanuel Macron est « stupide » et « insultant. « Demandez à votre président pourquoi il soutient les insultes au messager de Dieu au nom de la liberté d’expression », a-t-il écrit. « La liberté d’expression signifie-t-elle insulter, en particulier une personne sacrée? »

Puis il a poursuivi: « La prochaine question à se poser c’est pourquoi remettre en question l’Holocauste est considéré comme un crime [en France] ? Pourquoi devrait-on être emprisonné en écrivant sur ce sujet alors qu’il est permis d’insulter le Prophète ? » 

Deux jours après la publication de ce message, Hossein Shariatmadari, rédacteur-en-chef nommé par Khamenei du quotidien ultraconservateur Kayhan, a consacré une tribune à la « question » que pose Khamenei. « L’Holocauste est un grand mensonge historique », a-t-il écrit en guise de conclusion, « et il existe de nombreuses preuves incontestables qu’il s’agit d’un mythe inventé par les sionistes ». 

Pourquoi Khamenei choisit-il de nier l’Holocauste, et dans la foulée, une tragédie? Quels autres propos révisionnistes a-t-il tenu sur ce le sujet ces trente dernières années ?

Les caricatures « diaboliques » 

En février 2007, après la publication de caricatures du prophète Mahomet par un journal danois, Ali Khamenei a comparé l’Holocauste à un « mythe » pendant une réunion avec des militaires de l’armée de l’air iranienne. « Alors qu’ils prétendent défendre la liberté d’expression, les pays occidentaux ne l’autorisent pas quand il s’agit d’évoquer le mythe du massacre des Juifs, connu sous le nom de l’Holocauste », a-t-il déclaré. « En Occident, il n’y a de liberté d’expression pour quiconque voulant nier ou soulever des doutes à ce sujet. »

« Cependant, affronter l’entité sacrée de 1,5 milliard de musulmans est autorisé en Occident car c’est la ‘liberté d’expression’ ! Le problème, ce n’est pas qu’un caricaturiste ait été payé par les sionistes pour dessiner des caricatures pour promouvoir les objectifs diaboliques des sionistes. Le problème, c’est que les hommes politiques européens défendent et approuvent ce comportement vicieux et scandaleux, et essaient de le présenter comme autorisé sous le prétexte de la liberté d’expression! »

Il a conclu : « Je pense que toute cette affaire est un complot sioniste prémédité visant à dresser les musulmans et les chrétiens les uns contre les autres, car il est d’une grande importance pour les sionistes de dresser la communauté islamique du monde entier contre les chrétiens. »

Depuis la première décennie qui a suivi la révolution islamique de 1979, Khamenei a proposé une définition « islamique » de la liberté d’expression. En 1987, lors d’un prêche du vendredi alors qu’il était président de la République islamique, il a déclaré que la liberté d’expression devait se mettre au service des « bonnes » idées, sinon « certains exploiteront cette liberté pour [promouvoir] des pensées déviantes et cela est interdit ». 

Deux semaines seulement après cette annonce, lors d’un autre prêche, il a apporté des précisions à cette définition : « Nous ne pouvons pas fermer les yeux et dire qu’en Islam, toute forme de liberté d’expression est autorisée », a-t-il déclaré.

Faire l’éloge des caricatures sur l’Holocauste sans condamner le terrorisme 

Après être devenu Guide suprême, Khamenei a saisi toutes les occasions qui se sont présentées à lui pour remettre en cause l’existence de l’Holocauste. De plus, il a parrainé de nouveaux projets visant à minimiser la gravité des crimes nazis, comme la tristement célèbre exposition de caricatures sur l’Holocauste en Iran.

Après l’attaque terroriste contre la rédaction de Charlie Hebdo à Paris le 7 janvier 2015, au cours de laquelle 12 journalistes et caricaturistes ont été tués, Khamenei a envoyé un message aux jeunes Européens et américains sans condamner les atrocités de l’attaque. Au lieu de cela, le Guide suprême a accusé la « structure mondiale du pouvoir » d’essayer de « salir l’image de l’islam ».

Entretien avec un caricaturiste en exil: nos cibles sont les idéologies et les cultures, pas les individus

« Les caricatures sont imaginées par des dessinateurs et, sans liberté d’expression, elles ne peuvent exister », déclare Kianoush Ramezani, un dessinateur iranien qui vit en exil en France et croque régulièrement le Guide suprême de la République islamique d’Iran dans le cadre de son travail.

« Les cibles d’un caricaturiste professionnel et indépendant ne sont pas les personnalités, mais les idéologies ou les cultures spécifiques qu’elles représentent. Ce sont des personnalités publiques et, d’un point de vue historique, elles appartiennent à tout le monde. Les Français ont lutté pendant des siècles pour parvenir à la laïcité et adopter des lois basées sur elle. Beaucoup d’entre eux ont été emprisonnés et tués. » 

Au lendemain de l’attaque contre la rédaction de Charlie Hebdo, Ramezani a lancé United Sketches, une campagne internationale pour la liberté d’expression qui soutient les caricaturistes emprisonnés, menacés et exilés. Il a partagé avec IranWire ses réflexions sur le rôle des caricatures, la liberté d’expression et la position de Khamenei sur l’Holocauste.

IranWire: pourquoi les caricatures suscitent une telle rage chez les musulmans extrémistes qu’ils sont capables de tuer à cause d’elles ? 

Kianoush Ramezani : La liberté d’expression est le principal outil de travail du caricaturiste. J’ai travaillé sous le gouvernement de la République islamique et je sais quelles sont les conséquences de dessiner des caricatures. Mais les sociétés occidentales n’ont aucune notion d’une telle situation.

En France, insulter le sacré n’est pas un crime. Mais en République islamique, cela peut être puni, y compris de la peine de mort. Que cela nous plaise ou non, tous les prophètes, y compris le prophète de l’islam, ont été le fonds de commerce des caricaturistes pour créer leur art. En utilisant des personnages publics religieux, politiques et historiques, ils expriment librement leurs opinions ou leurs critiques.

La difficulté est de faire comprendre aux sociétés occidentales ce qu’est la vie sous une dictature islamiste, et en quoi cette question diffère de celle du « respect des cultures ». L’Islam n’est pas une culture, mais une religion, comme le christianisme ou le judaïsme. Nous ne pouvons pas accepter des restrictions [à la liberté d’expression en Occident] au nom du respect des « cultures »; dans différents pays, les musulmans pratiquent leur religion de différentes manières et vivent selon des modes de vie différents.

Nous ne pouvons pas non plus ignorer la violence. Nous ne pouvons ignorer les aspects violents et inhumains de l’extrémisme islamique. Nous ne pouvons pas ignorer le fait qu’un caricaturiste soit attaqué et tué pour avoir dessiné un prophète qui appartient au monde entier.

IranWire: Deux articles du Pacte international relatif aux droits civils et politiques indiquent clairement que la liberté d’expression ne peut pas justifier un discours de haine et l’incitation à la violence. Certains disent que la publication de ces caricatures incite les musulmans extrémistes à la colère et à la violence. 

Kianoush Ramezani : La liberté d’expression ne justifie pas la propagation de la haine et l’incitation à la violence, et les caricaturistes ne sont pas dans un business d’agression de personnalités individuelles. Si un caricaturiste s’engage dans le militantisme, c’est dans le but de désacraliser, comme ceux qui dessinent continuellement des caricatures sur les dictatures.

C’est le même objectif que je vise en me concentrant sur Khamenei dans mon travail. Bien sûr, ce n’est pas facile de briser des tabous, et j’ai moi-même hésité pendant des mois sur l’opportunité de dessiner ou non telle ou telle caricature.  Les Français ont mis des siècles à autoriser la satire de figures sacrées. Ils ne considèrent pas cela comme un crime. Mais la République islamique se trahirait si elle y consentait.

IranWire: Pourquoi Ali Khamenei et ses partisans comparent la négation de l’Holocauste aux caricatures du prophète Mahomet? 

Kianoush Ramezani : Le fait que la négation de l’Holocauste constitue une infraction pénale ne signifie pas que l’Holocauste lui-même est sacré. L’Holocauste est un événement historique, au cours duquel des millions de personnes ont été tuées parce qu’elles étaient juives, et il est étayé par des preuves historiques. Le nier, c’est comme nier la guerre de huit ans entre l’Iran et l’Irak dans les années 1980 et affirmer par exemple que les familles des personnes tuées pendant la guerre sont toutes des escrocs. La négation de l’Holocauste n’est pas une comparaison appropriée.

S’il est permis d’insulter le sacré en France, remettre en question l’Holocauste en tant que « crime contre l’humanité » est contraire à la loi Gayssot, promulguée en France en 1990. Elle vise à empêcher la répétition de ces crimes, sur la base des preuves présentées aux tribunaux militaires internationaux de Nuremberg en 1945-46, qui ont condamné les dirigeants nazis après la Seconde Guerre mondiale.

Khamenei et ses partisans utilisent cette loi comme une excuse, et Khamenei a remis en cause la loi Gayssot l’année même où elle a été promulguée. Il avait déclaré : « Ces chiens de garde américains, ces Israéliens qui sont pires que des animaux, ils sont responsables de tant de tragédies scandaleuses en Palestine occupée mais personne au monde n’y prête attention parce que l’autre camp est musulman. C’est le même monde qui, 30 ou 40 ans après la chute de l’Allemagne hitlérienne, a commencé à s’en prendre à ceux qui, disait-on, avaient tué ou torturé un certain nombre de Juifs. Bien que, comme cela a été dit, ils étaient peut-être moins nombreux que ce qui était [prétendu].» 

IranWire: Que signifie « la liberté d’expression islamique » 

Kianoush Ramezani : Depuis sa présidence, Khamenei a régulièrement proposé de nouveaux exemples pour définir ce qu’est et n’est pas la « liberté d’expression islamique ». En 1987, Khamenei a déclaré que les « secrets du gouvernement » ne peuvent être divulgués et ne sont pas couverts par la liberté d’expression. Il a également déclaré que divulguer ces secrets revenait à « espionner pour l’ennemi ». En 1998, lors d’une réunion avec un groupe de commandants des Gardiens de la Révolution, il a déclaré que c’est l’islam qui définit les limites de la liberté d’expression et, par conséquent, si cela nuit à l’islam, c’est une « trahison ».

De telles déclarations inspirent les acolytes de Khamenei, mais il a peut-être peur que son tour vienne, ce jour du jugement où personne au monde ne pourra nier les crimes de la République islamique et les crimes de Khamenei lui-même, contre l’humanité. C’est une guerre dans laquelle Ali Khamenei se bat pour l’autre camp, une guerre pour éteindre la liberté d’expression.

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